26 décembre 2007

Liens Internets

Voici l'adresse des blogs de mes colocataires. Certains se plaignent que je ne donne pas suffisamment de nouvelles. Peut-être qu'à 3 nous saurons vous satisfaire...


http://www.philippelafleche.com/

http://mamaloudafrique.blogspot.com/


Un joyeux Noël et une bonne année 2008 à vous tous !

13 décembre 2007

Viv(r)e l’Afrique !

Il y quelques semaines de cela, lors de ma formation Cyberjeunes, un stagiaire m’a fait une déclaration qui a pris tout son sens lors de ces derniers jours à Ouagadougou et à Koudougou : « L’Afrique ne se visite pas. L'Afrique se vit ». Je pourrais aussi ajouter que l’Afrique ne se décrit pas avec des mots ni avec des photos; rien ne peut rendre justice à toutes les beautés invisibles de ce continent. Quand je mentionne les beautés invisibles, je veux parler du peuple, de sa joie de vivre éternelle, de son accueil hors du commun et de son charme incontestable. Je veux aussi parler de sa simplicité complexe dans toutes ses hiérarchies et de ses traditions solidement implantées dans son quotidien. Toutes ces beautés invisibles font du Burkina un des pays les plus riches où vivre malgré toute sa pauvreté économique. Toutes ses beautés invisibles font de ce peuple, le peuple des hommes intègres.

Le Nassara et le Nissablaga (le blanc et le noir)

- Au Québec, on emprisonne les voleurs. Au Burkina, on les tue. En fait, si un voleur se fait prendre et que la victime crie, tous les Burkinabès qui entendent l’appel se doivent de courir après le malfaiteur pour l’abattre à coups de bâton et de roche. C’est la coutume ! Ici le vol est proscrit par la population, pas par la loi. Un policier témoin du meurtre n’interviendra pas. C’était au voleur de ne pas voler.

- Au Québec, la place des déchets est au dépotoir. Ici, c’est dans les six-mètres* qu’ils se retrouvent. Les Burkinabès s’en débarrassent en les brûlant. Il faut faire attention où l’on pose les pieds. Partout des masses informes de vidanges non-identifiables recouvrent le sol. Et quelle odeur !

- Au Québec, on mange habituellement du bœuf, du porc et du poulet et on se les procure à l’épicerie dans le rayon des viandes. Au Burkina, on consomme aussi le bœuf, le porc et le poulet mais d’autres animaux s’ajoutent au menu dont la chèvre, l’âne, le chien et le rat. Oui, oui. Vous avez bien compris ! Du chien et du rat ! Apparemment la viande de chien ressemble à celle du porc et goûterait la même chose. Pour le rat… je ne sais pas. Je me renseignerai auprès du vendeur au marché central de Koudougou. Ici, la majorité des gens est propriétaire d’animaux. Les rues prennent l’apparence de basse-cours tellement les poulets et les cochons sont nombreux. Ils se promènent librement dans les rues, sans chaînes ni collier d’identification. Chacun retrouve le chemin du retour pour se rendre à leur maison respective à l'heure du dodo. Un poulet est aussi fidèle à son maître qu'un chien ! Surprenant n'est-ce pas ?

- Au pays des Nassaras, les gens meurent de l’obésité. Au pays des Nissablagas, les gens meurent de faim. Le Burkina Faso est le troisième pays le plus pauvre d’Afrique, le 167e sur 175 à l’échelle mondiale. Le salaire moyen est de 300 $ CAN/année. La pauvreté est omniprésente partout où l’on pose l’œil. Je n’ai qu’à sortir de ma cours pour y être confrontée. Parfois, elle vient cogner à ma porte. Impossible d’y être insensible ou de s’y habituer. J’ai décidé de ne pas porter tout le poids de ma race et de ne plus me sentir mal parce que j’étais blanche. Je donne quand je veux, comme je veux et à qui je veux. Dans mon bureau, Le Secret du Bonheur est affiché au mur. D’après le poster, pour être heureux on « doit être secourable à ceux qui souffrent ». Est-ce que je me sens mieux quand j’aide ces gens ? Pas vraiment. Il y a tant à faire que les sentiments de désespoir et de tristesse viennent plus puissamment que celui de la joie. Ce n’est pas facile ! Le pire à supporter, c’est de voir les enfants et les malades souffrir de cette pauvreté. Tout être humain devrait avoir à manger et accès à des soins médicaux.

- Connaissez-vous le nom de vos voisins sur votre rue ? Ici, le concept de bon voisinage est une valeur fondamentale ancrée dans les mœurs des Africains. Il est tradition lorsqu’un nouvel arrivant emménage dans un quartier qu’il cogne à toutes les portes de la rue pour faire connaissance avec le voisinage. Le processus est long, mais très plaisant. Il m’est arrivée de passer deux heures chez une voisine à faire les présentations avec la famille rapprochée et élargie. L’oncle, le cousin, la sœur ainée et la grand-maman cohabitent tous dans la même résidence. Ce processus de rencontre est très intéressant pour les étrangers puisqu’il permet d’introduire la demeure traditionnelle du Burkinabè et de comprendre mieux les coutumes de celui-ci.

- Au Canada, tout coûte cher. Pas ici ! Prenons la bière comme exemple… La Castel, la meilleure des trois bières locales du Burkina Faso coûte 600 francs CFA la grosse (1,25 $ CAN). C’est le paradis de l’alcoolique ! L’autre soir, au restaurant, pour cinq adultes et un enfant la facture s’est élevée à 32 $ CAN, le prix incluant la bouteille de vin, deux pintades, des brochettes de bœuf, les accompagnements et le pourboire.

Par contre, les produits hygiéniques (le papier de toilette, le déodorant, etc.) et les produits alimentaires occidentaux (le fromage, le café, les chips, etc.) se détaillent au même prix qu’au Canada. Avec le salaire moyen des gens d’ici, ces produits ne sont accessibles qu'à une petite parcelle de la population.

- Le Québec compte majoritairement des catholiques non-pratiquants et des athéistes. Au Burkina Faso, on estime que 50 % de la population est musulmane, 50 % catholique et 100 % animiste. Peu importe la religion à laquelle un Burkinabè adhère, il pratiquera le culte animiste africain au cours de sa vie. Par exemple, aucun Burkinabè accepte de célébrer les funérailles d’un suicidé. Au lieu de ça, il se débarrasse du corps dans un coin reculé. Par conséquent, il est possible que je tombe sur un cadavre en décomposition sur un terrain vague. C’est normal. Yel cayé (ya pas de prôblèm) !

Aussi, saviez-vous que les enfants nés jumeaux sont dotés de pouvoirs particuliers ? Ils peuvent voir l’avenir dans leurs rêves… Étiez-vous au courant que chaque famille avait son totem. Par exemple, la famille Zongo est sous le totem du crocodile. Donc, les Zongo doivent respecter le crocodile comme un membre de leur famille à part entière. Les règles sont simples : ne jamais manger ou maltraiter le crocodile, lui faire des offrandes, etc.. Et ces attentions seraient réciproques. Le crocodile ne blessera ni ne mangera un Zongo ! On ne bouffe pas les membres de notre famille. Même en Afrique ça ne se fait pas !

Des exemples de la sorte j’en ai des dizaines. Tout ici fait référence aux rituels, aux sacrifices, aux présages, aux totems et à la sorcellerie faisant partie des traditions animistes.

- L’égalité des sexes représente une valeur fondamentale dans la culture canadienne. Au Burkina, l’homme est le maître ! La place des femmes est à la maison avec les enfants devant les fourneaux à cuisiner un souper digne du patron. Elles n’ont pas le droit de dire non à une relation sexuelle et d’imposer le condom à leur mari et ce, même si celui-ci pratique la polygamie. Les hommes, autant les musulmans que les catholiques, ont droit à quatre femmes et familles. Plus l’homme est riche, le plus de familles il aura.

Il y a beaucoup plus de contrastes que de ressemblances entre l’Afrique et l’Amérique du Nord. Tout ici n’est que contradiction avec mes habitudes de vie et mes valeurs d’Occidentale. Je pourrais continuer ce chapitre des pages durant. Dites-vous une chose… Si vous le faites d’une manière, en Afrique on le fait différemment.

* Au Burkina Faso, on retrouve deux types de rue : le goudron et le six-mètres. Vous aurez deviné que ce que l’on appelle le goudron représente les artères principales en asphalte. Le six-mètre représente la majorité des rues; elles sont larges de six mètres, en terre battue et ne sont pas équipées de lampadaire, donc il y fait très noir la nuit. Pour vous donner une idée, à Koudougou, il y a deux goudrons pour des centaines de six-mètres.

Ma vie à Koudougou

Mon arrivée à Ouagadougou c’est bien passée. Comme prévu, j’ai été accueilli à l’aéroport par un coopérant d’OXFAM-Burkina. Je ne savais pas à cet instant mais Simon sera mon voisin de quartier, mon collègue de travail ainsi qu’un compagnon de route pour les sorties en dedans et au dehors de Koudougou.

J'ai passé ma première nuit en Afrique à la Mission catholique. Le lendemain, j’ai rencontré les stagiaires en coopération internationale de Ouagadougou et de Fada. J’ai été reçu à la fondue chinoise le soir pour souper ! Je crois qu’ils essayaient de me ménager. J’imagine que leur objectif était de limiter mon choc culturel, mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que la seule chose dont j’avais envie était d’aller gambader dans les rues de la capitale, de manger des plats typiques tel que le tô, de boire du dolo dans une calebasse et de danser sur la piste d’un maquis.

Le lendemain matin, un chauffeur m’a amené à la résidence où j'allais passer les trois prochains mois de ma vie. La villa de Koudougou est spacieuse, confortable et apparemment très luxueuse pour une maison au Burkina. Il y a deux toilettes, une salle d’eau, une grande douche interne et même un bain ! Deux hamacs sont installés sous les gros manguiers de la cours. Aussi, j’ai des portes et des fenêtres qui se barrent et le gardien, Oscar, surveille la résidence la nuit tombée. Malheureusement, ceci n’empêche pas les geckos et les cafards d’entrer !

Les deux stagiaires avec qui je partage la villa, Marilou et Philippe, sont vraiment formidables. Ce sont de bons vivants faciles à vivre. Toujours de bonne humeur, toujours motivés pour explorer les environs et pour faire de nouvelles rencontres. Chaque jour est différent et toujours aussi plaisant que le précédent. Je suis vraiment bien tombée avec ces deux là ! Je n’échangerais de colocataires pour rien au monde.

La journée de travail débute à 7 h et se termine à 17 h 30. Une pause de trois heures, de 12 h à 15 h, s’impose pour la sieste. La coutume veut que l’on fasse le tour des bureaux pour saluer nos collègues à notre arrivée. Après une heure de discussion, je retourne à mon bureau pour faire… Pour faire un gros rien du tout. Pour l’instant du moins. Je suis présentement devant mon ordinateur et je rédige mon blog, car je n’ai pas le matériel requis pour accomplir mon mandat qui est de faire le montage vidéo de trois documentaires sur l’alphabétisation des femmes au Burkina : un vidéo en moré, un en dioula et l’autre en lyélé. J’attends les cassettes et la caméra pour débuter le projet. Mais bon, faut prendre son mal en patience. Tout est lent ici. L’expression : « Être pressé », les Africains ne connaissent pas.

Vous ais-je mentionné que le bureau me fournit une mobylette ? Conduire cette mopette dans les six-mètres de Koudougou est un défi de taille que je dois relever à chaque jour pour me rendre du point "A" au point "B". Dans la ville entière (100 000 habitants), il y a deux feux de circulation et environs cinq "Arrêt". Et le code de la route est inexistant ! Les gens circulent autant à dos d’âne qu’en 4X4 sur la grande voie. C’est difficile d’anticiper dans quelle direction les poulets et les pintades vont se mettre à courir. Aussi, il faut éviter les trous, les roches et les amas de déchets.

La nourriture est meilleure que je l’appréhendais. Le St-Hubert BBQ peut aller se rhabiller maintenant que j’ai goûté au poulet télévisé du Burkina ! Les poulets ici ne sont pas engraissés, gavés ou biologiquement transformés. Ils ont la forme ! Un instant, le poulet court dans la rue, et le moment d’après, il est dans ton assiette. Ici, une portion équivaut à un poulet entier ! Ils sont tellement petits qu’il est impossible de rassasier deux personnes avec une seule volaille. Une cuisse de poulet du Burkina correspond à la grosseur d’une aile de poulet de la Cage aux Sports !

À la villa, nous avons notre homme à tout faire, Casimir. Il nous prépare nos trois repas par jour, six jours semaine. Il fait notre marché, le ménage, le lavage et la vaisselle. Nous avons la chance que Casimir soit un excellent cuisinier. Il nous concocte plein de petits plats exotiques, typiques et moins typiques pour le plaisir de nos papilles gustatives : crêpe choco-banane, yaourt à la papaye, couscous aux légumes, riz aux arachides, etc.

La température moyenne est de 30° le jour et de 20° la nuit durant la saison sèche. L’Harmattan a récemment commencé à souffler le sable du Sahara sur Koudougou. Ce vent chaud du Sahel rafraichit tout de même un peu l’atmosphère, mais amène aussi beaucoup de poussière. Moi, j’ai chaud ! Mais tous les autres ont froid. Je vois fréquemment des Africains en manteau d’hiver vêtus d’une tuque tandis que moi, je sue par tous les ports de ma peau ! En février, il commencera à faire plus chaud encore. Le thermomètre atteint généralement les 40, 45° Celsius sous un soleil de plomb. Ouvrez le four de votre cuisine lorsqu’il est à broil, c’est le même effet !

3 décembre 2007

Le Jour J

Lundi 3 décembre, 9 h 48. C'est aujourd'hui le Jour J, le jour du grand départ...



J'ouvre un œil, puis le deuxième. Je m'étire un tantinet. Après un bâillement digne d'une nuit de profond sommeil, je tourne mon regard vers la fenêtre de ma chambre. C'est à ce moment que je réalise la catastrophe. Il neige. Il neige beaucoup ! C'est la tempête à l'extérieur. 20 centimètres ont déjà recouvert le sol et 10 autres s'en viennent pour mieux retarder mon vol pour Casablanca.

J’ai des brulures d’estomac et mon cœur bat la chamade. Ça y est. Je suis stressée ! Je vérifie donc sur le site de l’Aéroport de Montréal pour voir si mon vol va voler ! C’est confirmé. Mon avion décolle à l’heure prévue. Ouf ! Soulagement.

Après l’enregistrement de mes bagages, le passage à la douane et un arrêt obligatoire au Duty Free, j’arrive à la porte B61 pour le vol Montréal/Casablanca avec Royal Air Maroc. Plus la salle d’embarquement se remplit, plus je me sens en pays étranger. Je compte trois Québécois dans la pièce, moi inclusivement. Et je suis toujours à Montréal !

J’aperçois donc pour la première fois de ma vie une femme portant le burka, un musulman faisant sa prière coranique de 17 h et un marocain chantant une chansons dance-électro-arabique à voix haute. Plus que deux heures à endurer mon voisin. C’est looooooooooong ! Vivement Casablanca !