5 mars 2008

Lune de miel à Bobo/Banfora

J’ai passé ma dernière semaine en Afrique à Bobo-Dioulasso et à Banfora. Cette région située au sud du Burkina Faso est un incontournable du pays. Végétation verdoyante, région riche en produits de la terre et parsemée de cours d’eau, la province du Comoé est un oasis isolé, perdu dans une zone sub-sahararienne.


Voyager avec KZA


Pour se rendre à Bobo, cinq heures de route sont nécessaires à partir de Koudougou. Romuald et moi partons en direction de la station d’autobus KZA, la seule compagnie qui dessert la route Koudougou/Bobo. Nous arrivons 30 minutes à l’avance à la gare en vue de faire attacher la moto et le sac-à-dos sur le toit du car, au même endroit où les éleveurs de bétail ligotent leurs chèvres et leurs moutons, vivants ! Nous finissons par partir à 9 h du matin, soit une heure en retard sur l’horaire prévu. Apparemment, il ne faut pas s’en faire. C’est coutume que d’être en retard en Afrique. Le truc qui me dérange, c’est que plus nous partons tard, plus nous arrivons tard. Et plus nous approchons de 12 h, plus la chaleur est insupportable, surtout enfermé dans cette boite de conserve de la KZA.


La moitié des fenêtres ne s’ouvrent pas. La climatisation est non-fonctionnelle. Il fait déjà un soleil de plomb et la chaleur s’installe tranquillement à l’intérieur. Il n’y a pas suffisamment de banc pour tout le monde à la gare et le chauffeur continu tout de même à embarquer des gens sur la route. Les passagers « extras » s’assoient au centre de l’allée sur des bidons d’eau ou des tabourets de bois. On est entassé comme des sardines en canne. Il fait chaud. Ça pue. L'atmosphère est lourde, chargée de gaz carbonique. Chaque respiration me donne envie de vomir tant l’air est vicié.


Lorsque le car freine, c’est tout le véhicule qui penche par en avant. Quand on tourne à gauche, l’autobus s’incline dangereusement sur la droite. À chaque bosse sur la chaussée, j’ai l’impression que l’autobus va craquer en deux sous notre poids. Le plancher et les fenêtres vibrent au rythme des trous que nous rencontrons sur le goudron.


Je m’investie dans un projet ambitieux : tenter de m’endormir dans ces conditions. C’est le seul moyen que je trouve pour oublier la situation dangereuse et inconfortable dans laquelle je suis. Je ferme les yeux. Je vide mon esprit de toute pensée. J’ai le temps de m’assoupir une fraction de seconde avant que le chauffeur fasse une manœuvre de conduite suicidaire. Il pèse sur le champignon pour dépasser un autobus tandis qu’un 4X4 roule sur la voie inverse. Notre chauffeur n’a pas d’autre choix. Il freine d’un coup sec et se range brusquement derrière l’autobus. Le car se berce dangereusement pendant quelques secondes. Mon sang n’a fait qu’un tour ! Le reste du trajet n’a été que rêve éveillé. Le pire des cauchemars routiers.


Une dame entre avec ses deux poulets. Leurs pattes sont ficelées mais ils sont bien en vie. Elle les pose à mes pieds. Les volailles me regardent d’un air interrogateur. Eux non plus ne comprennent pas dans quelle galère ils viennent d’embarquer.


Manifestation à Bobo


Nous sommes heureusement arrivés à destination en un seul morceau. Toutefois, nous ne savions pas que nos mésaventures ne faisaient que commencer.


C’est l’apocalypse à Bobo ! La population manifeste contre l’augmentation du coût de la vie. Des pneus brulent à toutes les intersections. Des briques et des pierres ont été jetées sur la chaussée. Les panneaux de signalisation et les feux de circulation sont tous détruits, arrachés au sol. L’incendie de la statue du Premier Ministre du Burkina n’a rien à envier aux feux de joie de la Saint-Jean-Baptiste. Toutes les boutiques sont fermées. Bobo est déclarée officiellement « ville morte » pour les jours à venir. Plusieurs cellules de manifestants brandies en l’air bâtons et armes contondantes pour prodiguer leur mécontentement. Bilan : trois morts, une centaine de blessés, des millions en dommage matériel et une canadienne terrorisée.


La Guinguette


Notre sang froid retrouvé, nous prenons la route pour la Guinguette. Aux abords de cette rivière se trouvent lianes, palmiers et plantes exotiques. C’est comme dans Tarzan. Pareil ! Dans ma tête de Canadienne bourrée de préjugés, Afrique rimait avec jungle. Il n’était pas question pour moi de quitter l’Afrique sans avoir vu quelque chose qui ressemblait à une forêt tropicale. Comprenez ma déception lorsque j’ai compris que le Burkina Faso est un pays aride sub-saharien. Néanmoins, j’ai trouvé satisfaction dès la première seconde où j’ai pénétré dans cette magnifique forêt où les oiseaux tropicaux jacassent gaiement et l’eau de la rivière coule à l’ombre des cocotiers. À couper le souffle !


Il y a un an ou deux, les habitants de la région se rafraichissaient dans les eaux de la Guiguette lors des grandes chaleurs. Maintenant, la baignade est interdite. J’ai appris la cause de cette interdiction; Le tournage illégal d’un film porno italien a eu lieu sur le site. Les autorités locales ont dit un NON majuscule à ce genre d’activité illicite. Ils ont dit NON à la perdition. NON à la perversion. Et ont enlevé tout droit d’accès à la Guiguette. « On a rien contre le porno, disent-ils, mais pas dans notre cours ».


Donc nous n’avons eu d’autre choix que d’aller nous saucer plus loin, sur un site aménagé pour compenser la fermeture de l’autre. La toile de fond : palmiers et plantes tropicales à profusion, plage d’un sable blanc-sucre-raffiné, eau tiède et claire. Mince compensation à côté de la Guiguette, mais je devrais pouvoir m’en contenter…