22 mars 2008

Vidéo souvenir/Burkina Faso 07-08

5 mars 2008

Merci !

Je profite de cette escale de sept heures au transit de l’Aéroport Mohammed V pour conclure ce blog. Je vous remercie d’avoir suivi mes péripéties africaines en aussi grand nombre. J’espère avoir réussi à vous faire goûter un peu les saveurs de l’Afrique.


J’ai fais la promesse solennelle que je reviendrai en Afrique de l’Ouest. Nous nous reverrons pour d’autres aventures en octobre 2008. C’est un rendez-vous !

Boucler la boucle

Mardi 26 février, 7 h 45, Casablanca. La matinée est froide mais ensoleillée. Je débarque du vol 546 en provenance de Ouagadougou après trois heures passées à survoler le désert du Sahara. Je profite du peu de temps qui m’est alloué sur la piste d’atterrissage pour sentir l’humidité provenant de l’océan Atlantique et la fraicheur des 13ͦ Celsius du Maroc qui contrastent étrangement avec les 40ͦ arides du Burkina.


Je pose mes fesses dans le siège 5A. J’ai le hublot. Peut-être que la vue aérienne du désert pourra consoler ma peine. Me voilà officiellement à la fin du voyage. Je fais mon possible pour rester positive. Je me répète que le périple ne s’achève pas aujourd’hui. Où se termine une aventure, une autre commence, n’est-ce pas ?

Lune de miel à Bobo/Banfora

J’ai passé ma dernière semaine en Afrique à Bobo-Dioulasso et à Banfora. Cette région située au sud du Burkina Faso est un incontournable du pays. Végétation verdoyante, région riche en produits de la terre et parsemée de cours d’eau, la province du Comoé est un oasis isolé, perdu dans une zone sub-sahararienne.


Voyager avec KZA


Pour se rendre à Bobo, cinq heures de route sont nécessaires à partir de Koudougou. Romuald et moi partons en direction de la station d’autobus KZA, la seule compagnie qui dessert la route Koudougou/Bobo. Nous arrivons 30 minutes à l’avance à la gare en vue de faire attacher la moto et le sac-à-dos sur le toit du car, au même endroit où les éleveurs de bétail ligotent leurs chèvres et leurs moutons, vivants ! Nous finissons par partir à 9 h du matin, soit une heure en retard sur l’horaire prévu. Apparemment, il ne faut pas s’en faire. C’est coutume que d’être en retard en Afrique. Le truc qui me dérange, c’est que plus nous partons tard, plus nous arrivons tard. Et plus nous approchons de 12 h, plus la chaleur est insupportable, surtout enfermé dans cette boite de conserve de la KZA.


La moitié des fenêtres ne s’ouvrent pas. La climatisation est non-fonctionnelle. Il fait déjà un soleil de plomb et la chaleur s’installe tranquillement à l’intérieur. Il n’y a pas suffisamment de banc pour tout le monde à la gare et le chauffeur continu tout de même à embarquer des gens sur la route. Les passagers « extras » s’assoient au centre de l’allée sur des bidons d’eau ou des tabourets de bois. On est entassé comme des sardines en canne. Il fait chaud. Ça pue. L'atmosphère est lourde, chargée de gaz carbonique. Chaque respiration me donne envie de vomir tant l’air est vicié.


Lorsque le car freine, c’est tout le véhicule qui penche par en avant. Quand on tourne à gauche, l’autobus s’incline dangereusement sur la droite. À chaque bosse sur la chaussée, j’ai l’impression que l’autobus va craquer en deux sous notre poids. Le plancher et les fenêtres vibrent au rythme des trous que nous rencontrons sur le goudron.


Je m’investie dans un projet ambitieux : tenter de m’endormir dans ces conditions. C’est le seul moyen que je trouve pour oublier la situation dangereuse et inconfortable dans laquelle je suis. Je ferme les yeux. Je vide mon esprit de toute pensée. J’ai le temps de m’assoupir une fraction de seconde avant que le chauffeur fasse une manœuvre de conduite suicidaire. Il pèse sur le champignon pour dépasser un autobus tandis qu’un 4X4 roule sur la voie inverse. Notre chauffeur n’a pas d’autre choix. Il freine d’un coup sec et se range brusquement derrière l’autobus. Le car se berce dangereusement pendant quelques secondes. Mon sang n’a fait qu’un tour ! Le reste du trajet n’a été que rêve éveillé. Le pire des cauchemars routiers.


Une dame entre avec ses deux poulets. Leurs pattes sont ficelées mais ils sont bien en vie. Elle les pose à mes pieds. Les volailles me regardent d’un air interrogateur. Eux non plus ne comprennent pas dans quelle galère ils viennent d’embarquer.


Manifestation à Bobo


Nous sommes heureusement arrivés à destination en un seul morceau. Toutefois, nous ne savions pas que nos mésaventures ne faisaient que commencer.


C’est l’apocalypse à Bobo ! La population manifeste contre l’augmentation du coût de la vie. Des pneus brulent à toutes les intersections. Des briques et des pierres ont été jetées sur la chaussée. Les panneaux de signalisation et les feux de circulation sont tous détruits, arrachés au sol. L’incendie de la statue du Premier Ministre du Burkina n’a rien à envier aux feux de joie de la Saint-Jean-Baptiste. Toutes les boutiques sont fermées. Bobo est déclarée officiellement « ville morte » pour les jours à venir. Plusieurs cellules de manifestants brandies en l’air bâtons et armes contondantes pour prodiguer leur mécontentement. Bilan : trois morts, une centaine de blessés, des millions en dommage matériel et une canadienne terrorisée.


La Guinguette


Notre sang froid retrouvé, nous prenons la route pour la Guinguette. Aux abords de cette rivière se trouvent lianes, palmiers et plantes exotiques. C’est comme dans Tarzan. Pareil ! Dans ma tête de Canadienne bourrée de préjugés, Afrique rimait avec jungle. Il n’était pas question pour moi de quitter l’Afrique sans avoir vu quelque chose qui ressemblait à une forêt tropicale. Comprenez ma déception lorsque j’ai compris que le Burkina Faso est un pays aride sub-saharien. Néanmoins, j’ai trouvé satisfaction dès la première seconde où j’ai pénétré dans cette magnifique forêt où les oiseaux tropicaux jacassent gaiement et l’eau de la rivière coule à l’ombre des cocotiers. À couper le souffle !


Il y a un an ou deux, les habitants de la région se rafraichissaient dans les eaux de la Guiguette lors des grandes chaleurs. Maintenant, la baignade est interdite. J’ai appris la cause de cette interdiction; Le tournage illégal d’un film porno italien a eu lieu sur le site. Les autorités locales ont dit un NON majuscule à ce genre d’activité illicite. Ils ont dit NON à la perdition. NON à la perversion. Et ont enlevé tout droit d’accès à la Guiguette. « On a rien contre le porno, disent-ils, mais pas dans notre cours ».


Donc nous n’avons eu d’autre choix que d’aller nous saucer plus loin, sur un site aménagé pour compenser la fermeture de l’autre. La toile de fond : palmiers et plantes tropicales à profusion, plage d’un sable blanc-sucre-raffiné, eau tiède et claire. Mince compensation à côté de la Guiguette, mais je devrais pouvoir m’en contenter…

22 janvier 2008

Positivisme 101

En apprenant mon départ prématuré pour l’Afrique, j’ai cru que jamais je n’arriverais à être prête pour la date prévue. Trois semaines pour tout orchestrer, c’est court ! Mais comme par enchantement, tous les préparatifs du voyage se sont déroulés sans pépin, voir trop bien. Le destin voulait que j’aille au Burkina. Quelque chose de grand m’attendait là-bas. Quelque chose comme l’Amour. L’Amour que j’ai pour Romuald, ainsi que pour le pays des hommes intègres, pays où je commence à me sentir chez moi petit à petit et pour Kebab, le plus trognon des petits chiots du Burkina. (Il n’y a qu’une seule race de chien ici. C’est vous dire à quel point il est beau. Le top !)

Ça va bientôt faire deux mois que je suis en Afrique. Tout va bien. Très bien même. C’est certain que tout n’est pas parfait. Mais la perfection m’ennuie. Alors, on peut dire que j’ai trouvé un certain équilibre à ma vie. Fragile certes, mais bien présent.

Liste des imperfections qui colorent mon existence africaine :

Ma flore intestinale est fragile. C’était prévisible.

J’ai moins d’énergie. Faut dire que de se lever à 6 h 30 chaque jour, ça tire du jus.

La poussière s’infiltre partout. Dans mes yeux, mon nez. Ma peau suffoque. Je suis sale en permanence et je ne me suis jamais autant laver de ma vie !

Je grossis à vue d’œil. Engraisser en Afrique, faut le faire ! J’ingurgite féculents pour déjeuner, diner et souper. Ça donne une Julie dodue et potelée.

Le manque de diversité à tous les niveaux. Surtout du côté des produits de consommation. Il y a cinq types de boutique : les télécentres, les dépanneurs, les tailleurs, les cordonneries et les coiffeurs. Donc, une fois bien chaussé, bien coiffé et bien taillé, il n’y a plus rien à consommer.

Le manque de divertissement. À tous les niveaux aussi. Heureusement que j’ai Romuald pour passer le temps !

L’exhibitionnisme de ma belle-mère. Elle fait sa toilette à l’extérieur de sa case à chaque matin vêtue que d’un pagne. C’est difficile pour moi d’en parler. Je suis encore sous le choc.

Le système de santé. J’ai passé un test de dépistage pour la malaria au même endroit où j’ai acheté du savon antipuce pour Kebab, au Laboratoire vétérinaire de Koudougou. Service impeccable !

Mais bon, la beauté de la vie se trouve dans les imperfections, n’est-ce pas ? Faut rester positif !

Mon stage

Retour officiel à la vie normale. Mes trois mois de stage sont bels et biens entamés. Du boulot, j’en ai ! À chaque matin, je suis au bureau pour accomplir mes mandats. Je viens de recevoir les images des trois vidéos sur la sensibilisation à l’alphabétisation et à la scolarisation des femmes et des jeunes filles du Centre-Ouest. Je dois effectuer le montage et réaliser le guide d’animation qui accompagnera les vidéos en plus de créer des fiches techniques pour OXFAM sur la mise en page et le multimédia.

Vu le manque de travail à mon arrivée à Koudougou, j’ai pris l’initiative d’aider un orphelinat dans sa recherche de bailleurs de fonds et dans la confection de son site Web. Les besoins fondamentaux de dix enfants dépendent de l’argent transféré par les bailleurs. Ghislain, un poupon d’un an, a été retrouvé abandonné au fond d’un puit il y a deux mois de cela. Mais il garde le moral ! Les enfants sont solides en Afrique. De vrais petits durs à cuire !

De plus, je me suis impliquée dans la création d’une page Internet pour Moukouan. Les Moukouanais souhaitent faire de leur petit coin d’éden, un lieu éco-touristique. Le projet est extrêmement intéressant puisque durable. Si tout fonctionne, c’est le village entier qui va en profiter. Un village au complet qui va avoir à manger ! J’ai du pain sur la planche.

Une escapade à Moukouan

Après une heure de route dans la poussière à dos de mobylette, nous arrivons à l’entrée d’une piste de brousse menant directement à Moukouan. Attention aux adeptes de crosscountry, le Burkina Faso est le paradis du motocross ! Les pistes sont à l’image de la surface de la lune; cratérisées et à peine touchées par l’homme ! J’ai eu droit à mon premier accident de mopette dans cette piste ! Rien de grave, n’ayez crainte. Un simple accrochage avec la moto que je suivais. Dommages engendrés : un clignotant et mon phare avant. Coût encouru : 2 $ CAN. Et beaucoup plus de peur que de mal.

À notre arrivée, tous les vieux du village nous attendaient pour nous accueillir. Ils étaient environs une vingtaine. Imaginez l’escouade d’hommes ridés Mossis dans leur boubous se déplacer en masse de leur résidence respective pour nous. C’est un grand honneur que d’être reçus par le troisième âge. Il représente la sagesse et le savoir. Et pour eux, bien accueillir l’étranger est primordial. Ils nous ont offerts trois poulets, du lait sucré et du café instantané. Merci.

Après l’étape rituelle de l’accueil des vieux, un lavage en profondeur s’imposait. Recouverte de la tête aux pieds de poussière orangée, je faisais malgré moi partie du clan de Philippe, le clan des rouges* ! À la douche et ça presse ! Je rassemble savon, serviette, gougounes et vêtements de rechange et je m’engage, sans le savoir, vers une expérience qui allait marquer ma vie à tout jamais : mon premier nettoyage au saut. La « douche » constituée d’une cloison en paille et d’un saut d’eau froide à moitié plein est, comment dire… très rustique. Faut vraiment que je sois de niveau « saleté extrême » pour m’aventurer toute nue derrière cette micro-cloison aux vues et aux sus de qui voulait bien jeter un œil.

Et pour les toilettes ? Troisième roche à droite, après le buisson, en face du bœuf et de la chèvre, vous verrez une pancarte, « Attention à vos fesses, il y a scorpions et serpents sous roche. » Le luxe, quoi !

Parlant de luxe, nous avons eu la chance de dormir dans les cases traditionnelles Mossi. Fabriquées de banco (mélange d’argile et de bouse de vache), les cases sont circulaires et coiffées d’un joli toit tressé de paille. Les lits sont constitués de bâtons de bambou brêlés recouverts, fort heureusement pour nous, d’un matelas top-quality Made in China. Nous nous sommes endormis aux sons des grillons, éclairés par les étoiles dans un décor épique digne du moyen âge africain.

Après une nuit de sommeil profond, nous voilà en route pour les rochers sacrés de Moukouan. La tradition veut que l’on demande l’autorisation du chef du village pour pénétrer sur le lieu de sacrifices et de prières. Le traducteur a pris soin d’interpréter la rencontre. Traduction très politicly correct, je tiens à le préciser, puisque par la suite, nous avons appris que le gros de la discussion tournait autour du montant de la visite. Le vieux sénile exigeait cinq fois le prix convenu au départ ! Vous auriez dû nous voir, sourire béat, sagement assis en cercle autour du chef, croyant qu’il nous souhaitait la bienvenue dans son village… Price less !

À notre retour, nous sommes arrêtés à Sabou. Dans ce village, les crocodiles sont sacrés. Pas question de les tuer, de les blesser ou de les maltraiter. Les caïmans de Sabou sont maîtres des lieux. J’ai eu le privilège de chevaucher l’aînée ! Drôle de sensation que de se retrouver assis sur le dos de grand-mère croco. Faut préciser que la vieille caïman est mi-morte mi-vivante et ne se donne même plus la peine de mastiquer. Mais bon, faut pas m’enlever le mérite. Qui d’entre vous peut se vanter d’avoir monté un crocodile ?

* Le clan des rouges, fondé par Philipe Laflèche, est une secte rassemblant tous les exclus de la société étant rouge de par leur état, suite à une exposition prolongée au soleil. L’existence des rouges au Burkina est aussi insolite que celle des albinos au Canada. Malheureusement pour eux, leur chair tendre est prisée pour les rituels animistes. Menum, menum !