22 janvier 2008

Une escapade à Moukouan

Après une heure de route dans la poussière à dos de mobylette, nous arrivons à l’entrée d’une piste de brousse menant directement à Moukouan. Attention aux adeptes de crosscountry, le Burkina Faso est le paradis du motocross ! Les pistes sont à l’image de la surface de la lune; cratérisées et à peine touchées par l’homme ! J’ai eu droit à mon premier accident de mopette dans cette piste ! Rien de grave, n’ayez crainte. Un simple accrochage avec la moto que je suivais. Dommages engendrés : un clignotant et mon phare avant. Coût encouru : 2 $ CAN. Et beaucoup plus de peur que de mal.

À notre arrivée, tous les vieux du village nous attendaient pour nous accueillir. Ils étaient environs une vingtaine. Imaginez l’escouade d’hommes ridés Mossis dans leur boubous se déplacer en masse de leur résidence respective pour nous. C’est un grand honneur que d’être reçus par le troisième âge. Il représente la sagesse et le savoir. Et pour eux, bien accueillir l’étranger est primordial. Ils nous ont offerts trois poulets, du lait sucré et du café instantané. Merci.

Après l’étape rituelle de l’accueil des vieux, un lavage en profondeur s’imposait. Recouverte de la tête aux pieds de poussière orangée, je faisais malgré moi partie du clan de Philippe, le clan des rouges* ! À la douche et ça presse ! Je rassemble savon, serviette, gougounes et vêtements de rechange et je m’engage, sans le savoir, vers une expérience qui allait marquer ma vie à tout jamais : mon premier nettoyage au saut. La « douche » constituée d’une cloison en paille et d’un saut d’eau froide à moitié plein est, comment dire… très rustique. Faut vraiment que je sois de niveau « saleté extrême » pour m’aventurer toute nue derrière cette micro-cloison aux vues et aux sus de qui voulait bien jeter un œil.

Et pour les toilettes ? Troisième roche à droite, après le buisson, en face du bœuf et de la chèvre, vous verrez une pancarte, « Attention à vos fesses, il y a scorpions et serpents sous roche. » Le luxe, quoi !

Parlant de luxe, nous avons eu la chance de dormir dans les cases traditionnelles Mossi. Fabriquées de banco (mélange d’argile et de bouse de vache), les cases sont circulaires et coiffées d’un joli toit tressé de paille. Les lits sont constitués de bâtons de bambou brêlés recouverts, fort heureusement pour nous, d’un matelas top-quality Made in China. Nous nous sommes endormis aux sons des grillons, éclairés par les étoiles dans un décor épique digne du moyen âge africain.

Après une nuit de sommeil profond, nous voilà en route pour les rochers sacrés de Moukouan. La tradition veut que l’on demande l’autorisation du chef du village pour pénétrer sur le lieu de sacrifices et de prières. Le traducteur a pris soin d’interpréter la rencontre. Traduction très politicly correct, je tiens à le préciser, puisque par la suite, nous avons appris que le gros de la discussion tournait autour du montant de la visite. Le vieux sénile exigeait cinq fois le prix convenu au départ ! Vous auriez dû nous voir, sourire béat, sagement assis en cercle autour du chef, croyant qu’il nous souhaitait la bienvenue dans son village… Price less !

À notre retour, nous sommes arrêtés à Sabou. Dans ce village, les crocodiles sont sacrés. Pas question de les tuer, de les blesser ou de les maltraiter. Les caïmans de Sabou sont maîtres des lieux. J’ai eu le privilège de chevaucher l’aînée ! Drôle de sensation que de se retrouver assis sur le dos de grand-mère croco. Faut préciser que la vieille caïman est mi-morte mi-vivante et ne se donne même plus la peine de mastiquer. Mais bon, faut pas m’enlever le mérite. Qui d’entre vous peut se vanter d’avoir monté un crocodile ?

* Le clan des rouges, fondé par Philipe Laflèche, est une secte rassemblant tous les exclus de la société étant rouge de par leur état, suite à une exposition prolongée au soleil. L’existence des rouges au Burkina est aussi insolite que celle des albinos au Canada. Malheureusement pour eux, leur chair tendre est prisée pour les rituels animistes. Menum, menum !