13 décembre 2007

Le Nassara et le Nissablaga (le blanc et le noir)

- Au Québec, on emprisonne les voleurs. Au Burkina, on les tue. En fait, si un voleur se fait prendre et que la victime crie, tous les Burkinabès qui entendent l’appel se doivent de courir après le malfaiteur pour l’abattre à coups de bâton et de roche. C’est la coutume ! Ici le vol est proscrit par la population, pas par la loi. Un policier témoin du meurtre n’interviendra pas. C’était au voleur de ne pas voler.

- Au Québec, la place des déchets est au dépotoir. Ici, c’est dans les six-mètres* qu’ils se retrouvent. Les Burkinabès s’en débarrassent en les brûlant. Il faut faire attention où l’on pose les pieds. Partout des masses informes de vidanges non-identifiables recouvrent le sol. Et quelle odeur !

- Au Québec, on mange habituellement du bœuf, du porc et du poulet et on se les procure à l’épicerie dans le rayon des viandes. Au Burkina, on consomme aussi le bœuf, le porc et le poulet mais d’autres animaux s’ajoutent au menu dont la chèvre, l’âne, le chien et le rat. Oui, oui. Vous avez bien compris ! Du chien et du rat ! Apparemment la viande de chien ressemble à celle du porc et goûterait la même chose. Pour le rat… je ne sais pas. Je me renseignerai auprès du vendeur au marché central de Koudougou. Ici, la majorité des gens est propriétaire d’animaux. Les rues prennent l’apparence de basse-cours tellement les poulets et les cochons sont nombreux. Ils se promènent librement dans les rues, sans chaînes ni collier d’identification. Chacun retrouve le chemin du retour pour se rendre à leur maison respective à l'heure du dodo. Un poulet est aussi fidèle à son maître qu'un chien ! Surprenant n'est-ce pas ?

- Au pays des Nassaras, les gens meurent de l’obésité. Au pays des Nissablagas, les gens meurent de faim. Le Burkina Faso est le troisième pays le plus pauvre d’Afrique, le 167e sur 175 à l’échelle mondiale. Le salaire moyen est de 300 $ CAN/année. La pauvreté est omniprésente partout où l’on pose l’œil. Je n’ai qu’à sortir de ma cours pour y être confrontée. Parfois, elle vient cogner à ma porte. Impossible d’y être insensible ou de s’y habituer. J’ai décidé de ne pas porter tout le poids de ma race et de ne plus me sentir mal parce que j’étais blanche. Je donne quand je veux, comme je veux et à qui je veux. Dans mon bureau, Le Secret du Bonheur est affiché au mur. D’après le poster, pour être heureux on « doit être secourable à ceux qui souffrent ». Est-ce que je me sens mieux quand j’aide ces gens ? Pas vraiment. Il y a tant à faire que les sentiments de désespoir et de tristesse viennent plus puissamment que celui de la joie. Ce n’est pas facile ! Le pire à supporter, c’est de voir les enfants et les malades souffrir de cette pauvreté. Tout être humain devrait avoir à manger et accès à des soins médicaux.

- Connaissez-vous le nom de vos voisins sur votre rue ? Ici, le concept de bon voisinage est une valeur fondamentale ancrée dans les mœurs des Africains. Il est tradition lorsqu’un nouvel arrivant emménage dans un quartier qu’il cogne à toutes les portes de la rue pour faire connaissance avec le voisinage. Le processus est long, mais très plaisant. Il m’est arrivée de passer deux heures chez une voisine à faire les présentations avec la famille rapprochée et élargie. L’oncle, le cousin, la sœur ainée et la grand-maman cohabitent tous dans la même résidence. Ce processus de rencontre est très intéressant pour les étrangers puisqu’il permet d’introduire la demeure traditionnelle du Burkinabè et de comprendre mieux les coutumes de celui-ci.

- Au Canada, tout coûte cher. Pas ici ! Prenons la bière comme exemple… La Castel, la meilleure des trois bières locales du Burkina Faso coûte 600 francs CFA la grosse (1,25 $ CAN). C’est le paradis de l’alcoolique ! L’autre soir, au restaurant, pour cinq adultes et un enfant la facture s’est élevée à 32 $ CAN, le prix incluant la bouteille de vin, deux pintades, des brochettes de bœuf, les accompagnements et le pourboire.

Par contre, les produits hygiéniques (le papier de toilette, le déodorant, etc.) et les produits alimentaires occidentaux (le fromage, le café, les chips, etc.) se détaillent au même prix qu’au Canada. Avec le salaire moyen des gens d’ici, ces produits ne sont accessibles qu'à une petite parcelle de la population.

- Le Québec compte majoritairement des catholiques non-pratiquants et des athéistes. Au Burkina Faso, on estime que 50 % de la population est musulmane, 50 % catholique et 100 % animiste. Peu importe la religion à laquelle un Burkinabè adhère, il pratiquera le culte animiste africain au cours de sa vie. Par exemple, aucun Burkinabè accepte de célébrer les funérailles d’un suicidé. Au lieu de ça, il se débarrasse du corps dans un coin reculé. Par conséquent, il est possible que je tombe sur un cadavre en décomposition sur un terrain vague. C’est normal. Yel cayé (ya pas de prôblèm) !

Aussi, saviez-vous que les enfants nés jumeaux sont dotés de pouvoirs particuliers ? Ils peuvent voir l’avenir dans leurs rêves… Étiez-vous au courant que chaque famille avait son totem. Par exemple, la famille Zongo est sous le totem du crocodile. Donc, les Zongo doivent respecter le crocodile comme un membre de leur famille à part entière. Les règles sont simples : ne jamais manger ou maltraiter le crocodile, lui faire des offrandes, etc.. Et ces attentions seraient réciproques. Le crocodile ne blessera ni ne mangera un Zongo ! On ne bouffe pas les membres de notre famille. Même en Afrique ça ne se fait pas !

Des exemples de la sorte j’en ai des dizaines. Tout ici fait référence aux rituels, aux sacrifices, aux présages, aux totems et à la sorcellerie faisant partie des traditions animistes.

- L’égalité des sexes représente une valeur fondamentale dans la culture canadienne. Au Burkina, l’homme est le maître ! La place des femmes est à la maison avec les enfants devant les fourneaux à cuisiner un souper digne du patron. Elles n’ont pas le droit de dire non à une relation sexuelle et d’imposer le condom à leur mari et ce, même si celui-ci pratique la polygamie. Les hommes, autant les musulmans que les catholiques, ont droit à quatre femmes et familles. Plus l’homme est riche, le plus de familles il aura.

Il y a beaucoup plus de contrastes que de ressemblances entre l’Afrique et l’Amérique du Nord. Tout ici n’est que contradiction avec mes habitudes de vie et mes valeurs d’Occidentale. Je pourrais continuer ce chapitre des pages durant. Dites-vous une chose… Si vous le faites d’une manière, en Afrique on le fait différemment.

* Au Burkina Faso, on retrouve deux types de rue : le goudron et le six-mètres. Vous aurez deviné que ce que l’on appelle le goudron représente les artères principales en asphalte. Le six-mètre représente la majorité des rues; elles sont larges de six mètres, en terre battue et ne sont pas équipées de lampadaire, donc il y fait très noir la nuit. Pour vous donner une idée, à Koudougou, il y a deux goudrons pour des centaines de six-mètres.